Vieil homme dont l'âge était resté caché ses rides, Gaius parcourait lentement les terres du Coudray-Salbart. Il menait une petite charette, tirée par une mule, aussi ancienne que lui, à en croire la lenteur de ses pas et la peau clairsemée qu'elle laissait apparaître. Le dos voûté, l'homme tenait les rênes, secoué par les bosses et les creux du chemin. Il emportait avec lui toutes les affaires qu'il avait acquises à Bordeaux. Ses quelques effets personnels et son matériel de médecin. Car c'était en tant que tel, que Gaius avait eu un entretien avec la comtesse Icie. Entretien qui s'était terminé sur une offre d'emploi que le vieillard avait saisi aussitôt. Le Poitou n'était pas très loin de la Guyenne. Gaius est ravi, jamais il n'avait été aussi comblé. Oh bien sûr il avait dû abandonner son moulin et le professeur Brixius, mais il avait remporté un endroit où ses compétences pourraient être utiles, à tous les coups. La famille de la comtesse était puissante et grande apparement et les petits sursauts de santé étaient à prévoir.
Vêtu de sa tobe bleue, le vieil homme stoppa la mule. Oh la pauvre n'était plus têtue ; elle avait passé l'âge. Tous deux regardèrent les hautes tours et les impressionantes murailles du château du Coudray- Salbart. La petitesse était de mise. Comment l'homme avait-il pu bâtir de telles merveilles. Gaius pensa que le maître des lieux devait être un homme puissant, peut-être valait-il mieux l'avoir de son côté. Qu'importait pour l'instant, la politique n'était pas la priorité de Gaius. Il venait pour soigner et conseiller du mieux qu'il pouvait. L'homme donna un coup sur les brides, et la mule reprit son pas humble et solennel. Ils n'avaient par chance, croisé aucun brigand. Qui aurait voulu s'en prendre à une telle paix et un tel reflet de la fin de vie comme elle devait l'être. Peut-être avaient-ils été guettés, mais laissés passés...
Le cortège parvint au poste de garde. L'animal s'arrêta de son propre chef, comme signalant à Gaius qui ne fallait pas aller plus loin pour l'instant. L'homme vit en effet un hallebardier qu'il ne fallait mieux pas contrarier.
- Oh, bonjour mon brave. Je suis Gaius, le nouveau médecin de la famille De Plantagenêt. Sa Grandeur doit être informée de ma venue.
Il n'esquissa pas un sourire mais une grimace plutôt incertaine. Son sourcil droit se arqua et sa bouche s'effondra dans une diagonale parfaite. Il scruta le garde, du haut de sa charette. Les différents maux qu'il ressentait dans tout son corps, commençaient à le faire souffrir davantage. Il n'avait qu'une hâte : marcher un peu et se reposer.