Oh, il aurait bien dit quelques mots, Abraxes, mais au moment où il allait s'enhardir voilà que l'Abominable était intervenu, brillant comme toujours, et la bouffée d'indignation qui lui avait alors bouché le gosier, le renvoyant des années en arrière lors de la pire époque traversée par son cher duché, lui interdisait toute parole audible. D'ailleurs, tout bien considéré, cet hommage du Vice à la Vertu sonnait plutôt juste et disait l'essentiel.
Ensuite, il se contenta donc d'écouter la suite de la cérémonie, dans le recueillement. Ses pensées allaient vers le procès en Cour d'appel où il avait eu l'honneur de venir appuyer le rude guerrier dans sa requête contre les iniquités angevines. Et aussi vers ce moment pas très ancien où ils avaient été près de monter une liste ensemble… Des combats, toujours, pour faire avancer des valeurs qu'ils partageaient : l'amour de la vérité, la franchise, l'aversion pour la médiocrité de certains blasonnés plastronnant indûment…
L'un royaliste, l'autre pas, mais ils avaient été liés par une une solide entente sur des valeurs fortes. La perte était immense.
Lorsque fut venu le moment de défiler devant la fosse, ce fut une poignée de terre d'Anjou que le Saumurois jeta sur le cercueil, apportée des berges de Loire pour la circonstance. Car cette terre aussi, Sarmite l'avait chérie, très fort, au point d'y revenir encore et encore malgré son courroux envers pas mal de ceux qui la foulaient.
À la fin, Abraxes alla poser, sans mot dire, une main amicale et compatissante sur l'épaule de Mck. Pas la main qui avait tenu la terre, bien sûr.